L’Institut Momentum a exprimé son intérêt pour analyser le cas pratique d’une campagne politique fondée sur la décroissance. Il sera donc question des raisons qui justifient, pour Delphine Batho, sa décision de faire campagne sur ce thème. Nous rappellerons ensuite les résultats, avant d’évoquer les limites de cette campagne et des perspectives qu’il nous faut parcourir pour faire gagner la décroissance aux prochaines élections. Une première, la présentation de Delphine Batho a été enregistrée et est disponible dans l'article.
Des arguments
En premier lieu, Delphine Batho a choisi de faire campagne sur la décroissance car les faits l’imposent. La société est au pied du mur et Génération Écologie (GE) a conscience de la nécessité de changer de trajectoire immédiatement. Delphine Batho reconnaît dans l’analyse de notre situation écologique le dilemme suivant : la décroissance ou le chaos. Deuxièmement, la Convention citoyenne pour le climat a identifié l’obsession pour la croissance économique comme le principal frein aux politiques de lutte contre le changement climatique. De ce point de vue, Delphine Batho considère que les stratégies défensives de l’écologie politique, celles qui consistent à sans cesse s’excuser d’être écologiste, ne fonctionnent pas. Il faut désormais s’appuyer sur la Convention citoyenne, et ce qu’elle dit de la maturité de la société, pour articuler une critique radicale et assumée de la croissance. Comme le montre la Convention citoyenne, mais pas seulement, les bases culturelles de la décroissance se sont développées dans la société. Cela constitue ainsi la troisième raison justifiant de la décroissance comme programme présidentiel. Beaucoup reconnaissent désormais que notre société perd tout sens, beaucoup expriment un besoin de ralentir, de renouer avec la nature, le vivant, et de soigner ce qui est essentiel. Le fait que des jeunes très diplômés refusent d’occuper les postes les plus prestigieux aux horaires infernaux ou de travailler pour des entreprises polluantes constitue un marqueur de ce changement culturel. Il en va de même pour ce qui s’apparente à un large mouvement sociétal de rupture avec le consumérisme. Mettre un mot sur l’ensemble de ces phénomènes, tel que celui de décroissance, permet de les unifier et de les intégrer dans un projet politique commun.
La quatrième raison découle ainsi logiquement de la précédente : si la société semble prête à la décroissance dans les esprits, elle ne l’applique pas encore véritablement dans la pratique. S’il suffisait des constats scientifiques relatifs à la perte de biodiversité et au changement climatique pour susciter une réaction suffisante, nous ne serions pas dans une situation aussi dramatique. C’est ici qu’intervient la décroissance comme projet politique, en tant que proposition collective, porteuse de nouveaux imaginaires et d’un nouveau récit. Et, comme tout récit, il lui faut un nom, nous avons choisi celui de la décroissance. Par sa force symbolique, ce mot-obus secoue et bouscule nos idéologies, il crée un kairos, un événement, qui met en branle un travail transformateur de la société en fracassant le mythe de la croissance.
Un parcours
Selon Delphine Batho, entre l’évidence théorique de la décroissance et l’évidence politique d’un programme de décroissance, il y a eu un chemin ponctué d’étapes qui se succèdent au rythme de l’histoire politique récente. Il est possible de marquer le début de cette trajectoire en 2013 alors qu’elle était à la recherche d’un projet politique à la mesure des enjeux écologiques et sociaux, et notamment celui de la finitude des ressources. Le premier déclic fut lié au refus du président F. Hollande et du premier ministre J.-M. Ayrault de voir écrit le mot « raréfaction » dans un communiqué du Conseil des ministres. Cette obstruction a été justifiée par l’incompatibilité entre l’objectif de croissance, qui était une obsession de ce président, et le constat de la raréfaction des ressources. Delphine Batho voit dans ce déni des faits et cette obsession pour la croissance les raisons profondes de l’échec du quinquennat de F. Hollande, lui qui en faisait l’indicateur de réussite par excellence. Voilà donc une première expérience concrète des limites à la croissance de Delphine Batho.
Face au constat de la finitude du monde, Delphine Batho fut alors acquise à l’idée d’économie circulaire avant de se rendre rapidement compte de ses angles morts. Cette capacité à apprendre et à se remettre en question est certainement un trait significatif de ce parcours déjà bien singulier. En effet, malgré les responsabilités qu’elle a pu assumer, Delphine Batho est autodidacte et dispose pour seul diplôme du baccalauréat. Animée par cette curiosité, elle s’est alors instruite sur l’Anthropocène, la décroissance et l’effondrement. Cela lui a permis d’élaborer progressivement une proposition politique qui fait le constat d’un risque d’effondrement et de la nécessité de la décroissance. Elle place ainsi l’opposition terrien (ou terrestre) versus destructeur au centre du jeu politique. La rencontre avec l’écoféminisme constitue une nouvelle étape dans cette construction politique. Ce courant de pensée offre les clés intellectuelles pour élaborer une critique radicale du « macho-marxisme ». Après de longues années de formation politique, elle trouve là des réponses sur l’origine du problème que la gauche peut avoir avec le féminisme et l’écologie.
Avec Dominique Bourg, elle décide de prendre position lors de la campagne européenne (2019) pour la décroissance de la consommation d’énergie et de matières premières. Elle dénonce alors ouvertement la religion de la croissance sans assumer clairement le projet politique de la décroissance. Beaucoup de proches, sympathisant.e.s de la décroissance, lui conseillent alors de lever le pied afin de toucher un large électorat. C’est le fameux : « oui, c’est vrai, mais ça ne passera jamais ». Franchir le Rubicon de la décroissance s’est enfin imposé comme une nécessité au cœur de la bataille politique à l’Assemblée nationale. Alors que le mot d’ordre « Urgence écologie », titre de son programme aux européennes, a été immédiatement récupéré par la majorité dans la Loi climat-énergie, il lui fallait trouver une notion hors de portée du greenwashing tentaculaire. Pour elle, la décroissance est justement irrécupérable par le productivisme.
Par ailleurs, Delphine Batho fit le constat de la faiblesse des stratégies défensives. Après la poussée écologiste lors des élections municipales, une forme de backlash [retour de bâton], une grande contre-offensive, eut lieu à la fois contre l’écologie et la collapsologie. Face aux injures et autres procès en Amish, les écologistes n’ont cessé de s’excuser pour donner des gages aux tenants du système. Si nous n’affrontons pas l’opposition politique, si nous faisons amende honorable face aux dominants, nous échouerons et reculerons faute d’être crédible dans le contexte anthropocénique. La question écologique est très difficile à articuler dans l’espace public car elle se situe à la croisée des feux. Le champ de l’écologie est miné de controverses (éoliennes, voitures électriques, etc.) dans lesquelles les personnes se perdent en l’absence d’une boussole politique formulant le type de société que l’on vise.
Après les municipales, la Convention citoyenne pour le climat fut un moment important dans la trajectoire de Delphine Batho. En effet, même si celle-ci formulait des mesures insuffisantes au regard des ordres de grandeur de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui découlent des rapports du GIEC, elle s’inscrivait sérieusement en rupture avec le consumérisme en critiquant la publicité, la consommation ou l’artificialisation des sols. Pour la première fois, Delphine Batho assuma alors de porter un discours ouvertement décroissant à l’occasion de la bataille politique autour du secteur aérien. Cloué au sol par la pandémie, le gouvernement proposa de le subventionner le temps que les choses rentrent dans l’ordre (retour à la perspective de doublement prévu du trafic d’ici 2035). Compte tenu des impacts du secteur sur le climat, ne faudrait-il pas plutôt organiser sa décroissance ? A l’Assemblée nationale, l’obsession est à la croissance économique, c’est l’argument permanent permettant de défendre l’ensemble de ces mesures malgré leurs effets écologiques. C’est donc dans la pratique, au cœur de cette confrontation, que Delphine Batho a éprouvé le besoin de déverrouiller le débat et d’assumer la nécessité de réduire, de décroître, et de tenir la barre de la décroissance. A ces éléments s’ajoute enfin le résultat relativement médiocre des écologistes aux régionales. Delphine Batho le considère anormal compte tenu de l’évolution de la sensibilité écologiste dans la société : le peu de terrain gagné est bien trop faible par rapport à ce qu’il aurait dû être. La décroissance offre ainsi une nouvelle stratégie électorale.
Evidemment, faire campagne sur la décroissance a été décidé à l’issue d’importantes discussions relatives aux effets mobilisateurs ou non du risque d’effondrement et de l’urgence écologique. Après tout, peut-être que la peur et l’angoisse pourraient générer des paralysies, du déni et des fuites. A l’issue de ces discussions, éclairées notamment par les travaux sur l’éco-anxiété, il semblerait en réalité que ce discours catastrophiste peut être moteur de l’action politique à condition d’y associer une échappatoire, une perspective collective et un horizon. Delphine Batho et son équipe ont donc choisi de faire sérieusement une proposition politique de décroissance à la présidentielle, en passant par la primaire des écologistes. Pour elles et eux, l’objectif de cette primaire n’a pas été de faire un casting mais plutôt de défendre une orientation politique radicale au sein des écologistes. Cette décision leur apparaît pertinente à court comme à long terme.
Les résultats
Au final, le résultat est assez satisfaisant (3ème de la primaire avec 22,32% des voix). Elle partait de loin, n’étant pas membre d’Europe écologie les verts (EELV), ancienne socialiste, présidente du petit parti Génération Écologie (GE), perçue au départ comme incapable de constituer une option politique sérieuse pour la victoire, reposant sur seulement 2000 militantes et militants, trois députés, et, outre elle-même, deux personnalités identifiées (le député Cédric Villani, l’ancienne Ministre Dominique Bertinotti). Malgré cela, Delphine Batho obtint 23 801 voix et réussit à faire sortir la décroissance d’une forme de marginalité dans le débat public. Certes cela s’est joué à peu de chose, le second tour était proche, et celui-ci était gagnable, Delphine Batho considère toutefois que le résultat fait sens pour identifier l’état de la situation politique chez les écologistes. Le score obtenu, très honnête pour une première, reflète le niveau de la décroissance aujourd’hui dans l’écologie politique. S’il est vrai que du point de vue de l’histoire, c’est beaucoup trop tard (pensons au rapport Meadows par exemple), c’est une première étape et Delphine Batho se dit étonnée par le grand nombre de personnes qui se sont reconnues dans la décroissance – « Enfin ! » – et qui l’attendaient – « J’ai enfin mis un mot sur ce que je ressens ».
Le temps et les moyens
Le calendrier de la primaire écologiste a été peu propice à la campagne car il se situait au cœur des vacances d’été. Delphine Batho et son équipe ont donc manqué de temps. Outre le temps, il y avait aussi un manque de moyens. Or, s’attaquer à la croissance nécessite des outils considérables afin d’affronter les conséquences de ce qui constitue un crime de lèse-majesté pour le royaume médiatique. De surcroît, compte tenu de l’agenda médiatique affairé à l’organisation d’un match entre deux hommes, Delphine Batho n’avait même pas la juste place pour exprimer les idées de la décroissance. Mais malgré tout, le débat de fond a eu lieu et la décroissance a été évoquée dans des grands médias. Pour pallier cette situation inhospitalière, Delphine Batho ne voit pas d’autres stratégies que celle de contourner le système médiatique par les réseaux sociaux, sans pour autant en avoir eu les moyens dans ses équipes.
Les services publics
Par ailleurs, elle constate que ce projet politique comporte encore certaines lacunes importantes. Le financement de la protection sociale et des services publics constitue par exemple une vraie difficulté dans un programme de décroissance. Si elle considère avoir correctement démontré la toxicité de la croissance économique, elle reconnaît la difficulté à présenter une société en chemin de décroissance. En effet, chaque personne cherche à se projeter dans la transformation de la société, et cette projection doit incorporer leur vie quotidienne. Sur ce point, Delphine Batho et ses équipes ont manqué d’arguments et de propositions. Néanmoins, ce problème semble dépasser son cas particulier et concerner l’ensemble de la réflexion sur la décroissance.
L’absence de programme
Le choix a été fait de construire un projet de société décroissant et non un programme politique exhaustif avec des « mesures ». Il a été décidé que le programme doit être le résultat d’un processus citoyen et délibératif permettant d’identifier finement ce qu’il faut garder, changer ou à quoi il faut renoncer dans le cadre des limites planétaires. Cette décision fait suite au refus principiel du présidentialisme et de la culture technocratique française. Le hiatus entre projet et programme a été parfois mal interprété par des personnes souhaitant des propositions concrètes. Or, l’équipe de Génération Écologie (GE) préconisait une stratégie démocratique d’élaboration du programme par l’organisation de 577 ateliers et comités citoyens dans toutes les circonscriptions de France, pour l’éco-citoyenneté et loin des programmes d’experts.
L’inefficacité électorale
L’inefficacité électorale
Delphine Batho reconnaît un déficit de preuves de l’efficacité électorale du mot d’ordre de la décroissance. En effet, elle s’est heurtée au fait que le public militant, partageant le constat de la décroissance, était parfois convaincu qu’il était impossible de gagner des élections sur un tel projet. Toutefois, Delphine Batho s’inscrit en faux avec cette thèse ; elle pense au contraire que la décroissance peut faire gagner les élections. L’éclairage qui a été donné à la décroissance continue de donner des effets concrets aujourd’hui. A titre d’exemple, un téléfilm, diffusé récemment en prime time sur France 2, mettait en scène un maire corrompu décidant de changer de vie afin de faire campagne pour une « décroissance prospère ».
Les perspectives
Selon Delphine Batho, il faut rendre la décroissance majoritaire dans l’écologie politique puis dans la société. Cette première campagne ne sera pas la dernière, ce n’est qu’une étape. Elle et son équipe ont une conscience aiguë de la situation critique de notre société. Nous affrontons les chocs successifs et cumulatifs de l’augmentation du prix des transports de marchandises, les pénuries énergétiques et matérielles, le changement climatique, la biodiversité, etc. Par ailleurs, le thème de la décroissance continuera de se développer dans la société quoi qu’il arrive en raison des travaux scientifiques. Récemment, le prix Nobel de Physique 2021, Giorgio Parisi, a déclaré que la croissance du PIB est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. On s’entend dire que le GIEC pourrait mentionner la décroissance dans un prochain rapport. La décroissance ne devrait donc pas sortir du débat public. Il importe donc à Génération Écologie de continuer à porter cette idée en travaillant son contenu. Sa tâche est donc de faire comprendre l’importance du projet politique de la décroissance à un plus grand nombre en partant du plus évident : la conscience écologiste et l’éducation populaire sur les limites planétaires, la mécanique des budgets carbone et le réchauffement de 1.5°C. Pour cela, le parti réinvestit les fresques du climat et les autres outils d’éducation populaire qui existent. Cette première action est fondamentale et tout le reste en découle, parfois très vite comme nous l’a montré la Convention citoyenne pour le climat.
Après le travail d’encapacitation intellectuelle, Génération Écologie cherche à traiter des émotions pour rendre la décroissance désirable dans les esprits comme dans les cœurs. Pour cela, il faut qu’elle s’articule à l’émancipation, la liberté, au mieux-être et à la vie bonne. La dernière priorité est enfin de construire un argumentaire solide vis-à-vis des faiblesses évoquées précédemment. Quoi qu’il en soit, Delphine Batho et son équipe ont démontré la nécessité d’éclairer davantage le chemin de la décroissance.
Delphine Batho est députée à l’Assemblée nationale. Après avoir participé à la primaire des écologistes, elle est désormais porte-parole du candidat Yannick Jadot à l’élection présidentielle. Delphine Batho s’est engagée très tôt dans le monde militant au sein d’organisations comme la FIDL, SOS Racisme puis au Parti socialiste dont elle fut proche de Ségolène Royal en 2007. Par la suite, elle participa à la campagne de 2012 comme porte-parole de François Hollande avant d’intégrer le 1er Gouvernement Ayrault en tant que Ministre déléguée à la justice, puis le 2nd comme Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, avant d’être démise de ses fonctions par le Président Hollande en raison de désaccords politiques. De nouveau députée depuis 2013, réélue en 2017, elle quitte finalement le PS en 2018 pour présider Génération Ecologie où elle développera un projet politique guidé par la décroissance.
Synthèse rédigée par Loïs Mallet.
Discussion
Agnès S. : Merci beaucoup Delphine Batho ! Nous avons eu le temps d’évoquer votre itinéraire et vos difficultés. C’est aussi notre rôle que de travailler à trouver des pistes pour aider à lever les obstacles que vous mentionnez (les services publics, la question de la démocratie, etc.). Est-ce que votre rôle de porte-parole de la compagne de Y. Jadot vous semble faire infuser la thématique de la décroissance dans la campagne des écologistes ?
Delphine Batho : Mon point de vue est simple : plus il y aura d’écologistes, plus il y aura de décroissants. Accepter le porte-parolat n’est ni un choix de discipline, ni l’idée de jouer le coup d’après, c’est un choix qui se justifie par la conviction que plus l’écologie est forte, plus il sera facile d’entrainer et de convaincre sur la décroissance.
Benoît T. : Sur quelles bases sont encadrées les délibérations populaires et démocratiques (taux de décroissance annuel, réduction énergétique, matière, etc.) ?
Delphine Batho : Nous n’avons pas encore suffisamment travaillé sur les indicateurs. Globalement, nous prenons les -57% ou -65% (selon le référentiel) de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Par ailleurs, nous utilisons le cadre des limites planétaires appliquées à la France, qui sont, soit dit en passant, reconnues par le Ministère de la transition écologique. Dans notre esprit, la décroissance implique des points de départ comme les changement d’indicateurs et d’objectifs des politiques publiques pour viser l’empreinte écologique, la justice sociale, la lutte contre les inégalités, la satisfaction au travail, l’état de santé, etc.
Yves C. : Merci à Delphine Batho d’avoir accepté ce débat. Je suis très intéressé et impressionné par son propos. Elle a bien expliqué comment les faits finissent par s’imposer dans l’espace public. Je remercie d’ailleurs Cédric Villani et Dominique Bertinotti, ici présent, pour avoir rejoint Génération Écologie.
Marx disait que les mots sont des idées fortes. Avec la décroissance, il me semble que d’autres mots vont avec et je voudrais savoir si tu les prononces aussi Delphine Batho. Par exemple, il y a un débat avec Bruno Latour et Noël Mamère qui utilisent la notion de prospérité sans croissance. Ils préfèrent la positivité de la prospérité mais je ne crois pas qu’il faille cacher la réalité. Si la décroissance est certes un projet de société, c’est aussi un terme qui se pose en contraire ou en opposé à la croissance. Il faut alors dire clairement que c’est aussi la baisse réelle du PIB pendant longtemps, ce qui constitue une longue récession. Peut-on aussi parler de cette baisse longue du PIB ? Autre mot associé, le rationnement contre le productivisme. Il s’agit d’un outil de justice sociale absolue capable de limiter de manière atteignable les ressources de la planète selon des indicateurs comme ceux du Stockholm Resilience Institute. Enfin un dernier mot : effondrement. Utilisez-vous ces mots-là ? Il ne faut pas tricher avec la réalité, mais faut-il aussi donner espoir ?
Delphine Batho : Selon moi, tous les mots qui font des compromis avec la décroissance sont inopérants. Il y a plein d’expressions qui circulent et qui ne disent rien d’autre que « nous ne sommes pas prêts à assumer la décroissance même si nous sommes d’accord sur le fond ». Ce qu’a dit Bruno Latour sur France Inter récemment revient à cela. Nous avons beaucoup de débats entre nous au sujet de la baisse du PIB et la récession. Deux points de vue ressortent. Le premier consiste à sortir la décroissance de son rapport au PIB. Ici, on se fiche de connaître son évolution. L’économiste Eloi Laurent appelle cela la sortie de la croissance. Le second point de vue considère que la décroissance vise aussi à réduire le PIB qui constitue un indicateur de destructions. Je me situe davantage dans celui-là, pour des raisons d’analyse de la contrainte physique. Cependant à mes yeux ce n’est pas la récession, terme qui s’applique à la crise des économies dépendantes de la croissance. Par ailleurs, plutôt que de parler de rationnement, je préfère l’idée de plafonnement comme véritable alternative à la taxe carbone. Nous sommes là dans les réflexions sur les quotas carbone, notamment sur l’aérien. Le terme de rationnement n’a pas été retenu à cause de l’imaginaire traumatique qu’il charrie en France. A titre de clarification, je ne suis pas favorable à un système de marchandisation du rationnement. Nous retrouverions les effets pervers du marché européen des quotas. L’enjeu est bien toutefois de réduire les inégalités par le haut.
Sinon oui, je parle bien de collapse, d’effondrement, et je l’assume. Il y a déjà des effondrements constatés (la biodiversité par exemple) et nous sommes sur une trajectoire d’effondrements. Je préfère utiliser ce terme au pluriel car j’ai une vision qui n’est ni mécaniste ni déterministe, et qui intègre l’incertitude et l’imprévisibilité des chocs résultant des systèmes très vulnérables et complexes dans lesquels nous vivons aujourd’hui. À cet égard, je trouve que toutes les questions de sécurité civile et d’adaptation ont une place ridicule dans l’espace public par rapport à l’importance qu’elles devraient avoir.
Par ailleurs, il me semble qu’il faut aussi parler d’équilibre entre les activités humaines et les écosystèmes ainsi que de toutes les notions que j’ai lues dans vos textes : sagesse, tempérance, notion positive de limitation. Il faut retourner le stigmate du déclin pour construire un nouvel âge de l’humanité, une émancipation pour atteindre une sagesse et une tempérance qui sont plutôt des repères positifs.
Damien T. : Merci à Delphine Batho pour l’intervention et l’Institut pour organiser cela. Où en sommes-nous à l’échelle internationale sur la décroissance et comment la défendre à l’Union européenne (UE) alors que les traités verrouillent la croissance ?
Delphine Batho : En effet, les traités de l’UE mais aussi la CNUCCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) proclament qu’il est interdit, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, de prendre des mesures qui pourraient contrarier la croissance ou le commerce international. Un rapport de l’Agence environnementale européenne pointe même l’obstacle que représente la croissance pour les politiques écologiques. C’est intéressant que cela provienne désormais aussi des institutions. Ce qui est frappant lorsque l’on regarde la COP26, malgré les tensions internationales entre la Chine et les autres, c’est l’alliance mondiale des productivistes et des techno-scientistes.
Vincent L. : Trois questions à vous partager :
- Sur l’importance du story telling. Nous avons participé à la rédaction d’un texte qui parlait du fait que la décroissance avait gagné. Ne faut-il pas démarcher des artistes et des personnes très connues pour avoir notre série ou notre film qui dépeindrait la société de décroissance que nous aimerions. Mon prochain projet est justement une BD sur le sujet.
- A propos des réseaux de la décroissance, comment dépasser les conflits du passé ? Il y a dans les jeunes générations l’envie et la préparation pour construire une société de décroissance. Comment recréer un véritable mouvement en France et en Europe ?
- Comment avancer sur la présidentielle ? Nous avons des problèmes en raison des égaux démesurés, de la campagne de Yannick Jadot qui a du mal à prendre et des autres petits candidat.e.s. Simultanément, la Primaire populaire, que je soutiens, propose de mettre en délibération citoyenne ce qui ne fait pas consensus. La Convention citoyenne pour le climat nous a montré l’efficacité et la pertinence de ce modèle démocratique.
Delphine Batho : Au sujet de l’international, nous avons été contactés par quelques personnes, dont des Suisses. Mais nous pensons que c’est par la construction d’une internationale de l’écoféminisme que nous pourrions coordonner les idées de la décroissance. La constituante chilienne a fait élire une écoféministe comme présidente. C’est une vraie nécessité et cela peut donner lieu à un échange sur le mouvement altermondialiste. Il existe déjà un mouvement international de la jeunesse pour le climat malgré sa relative faiblesse en France.
Au sujet de la Primaire populaire, c’est non. Elle prétend qu’il y a un socle commun entre le productivisme et l’écologie. Elle reprend uniquement les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, ce qui ne permet pas d’atteindre la réduction nécessaire des gaz à effet de serre. Pour rappel, les socialistes se sont abstenus sur l’amendement de la République en marche relatif à la non-interdiction du glyphosate. L’abstention massive renvoie justement à cette logique d’indifférenciation politique sur les grands projets de société. Au sein de la Primaire populaire, nous observons une contradiction majeure entre les techniques démocratiques, comme le très intéressant jugement majoritaire, et la croyance dans le présidentialisme. Croire que ce n’est qu’une question de leader, c’est se tromper d’analyse. Il aurait été possible de choisir une autre logique, comme celle d’appliquer cette modalité électorale à la primaire écologiste. Malheureusement, il a été préféré une stratégie ancienne et dépassée au temps de l’Anthropocène, celle de l’union de la gauche. Enfin, la France insoumise n’est pas décroissante. Son programme de 2017 a par exemple été fondé sur une prévision de croissance de 2%. Cela dit, je me sens proche de la notion de sobriété bien qu’elle puisse, contrairement à la décroissance, être récupérée par le système. Enfin, il faut effectivement travailler fondamentalement l’ouverture des imaginaires et des récits.
Thibaut : Bonjour et bonne année. Avez-vous un avis sur les études telles que le rapport 1.5° de B&L Evolution, le plan de décarbonation de l’économie du Shift Project, et sur la mise en œuvre de ces mesures d’un point de vue politique ?
Delphine Batho : Nous avons beaucoup utilisé B&L Evolution pour élaborer les fondations d’Urgence écologie lors des élections européennes de 2019. Par ailleurs, les travaux du Shift Project nous paraissent très intéressants pour regarder dans le détail les effets d’une politique de décroissance.
Louis : Si on imagine que la fin de la société de croissance soit envisagée par la majorité de la population, serait-ce un choix rationnel que de s’engager dans une décroissance maitrisée quitte à subir la décroissance plus tard de manière chaotique ?
Delphine Batho : Je pense qu’une grande partie des gens savent que ce qu’on leur raconte ne fonctionne plus et qu’on ne va pas revenir aux Trente glorieuses. Les événements chaotiques existent déjà, le progrès de la prise de conscience depuis 2018 est très intéressant. Par ailleurs, j’apprécie énormément les travaux de Corinne Morel Darleux.
Alain G : Nous devons aussi poser la question de la décroissance en termes techniques. Quelle est la position de Delphine Batho sur le plan énergétique ? Actuellement, il y a une imposture totale sur l’électricité qui n’est pas une énergie, mais seulement un vecteur. Le projet politique de la décroissance doit s’accompagner d’un mode d’usage de l’énergie compatible avec la décroissance, ce que je ne crois pas possible avec l’électricité.
Delphine Batho : Mon combat est bien celui de la décroissance énergétique. J’essaie de le mettre au centre du débat alors qu’il tourne le plus souvent autour des moyens de production. J’y ai été confrontée comme ministre lors du pilotage du débat sur la transition énergétique. Le scénario central supposait la division par deux de la consommation. Or, les pronucléaires ne voulaient pas accepter la décroissance énergétique afin de ne pas être contraints de réduire l’industrie atomique. Les priorités sont donc, dans l’ordre, la réduction de la consommation, la sortie des énergies fossiles, et le mix énergétique 100% renouvelable (en intégrant le renouvelable thermique). Dans cette campagne, nous allons être confrontés aux nouvelles orientations macronistes de la relance du nucléaire. Il faut donc distinguer le débat sur le rythme de sortie et de réduction du parc nucléaire existant, de celui sur la relance d’un nouveau programme nucléaire en France. Dans le débat que j’ai eu avec Jean-Marc Jancovici, dont je ne partage pas les options sur le nucléaire, un point important à mes yeux est le fait qu’il donne acte que la relance du nucléaire n’est en aucun cas une solution pour la réduction des émissions d’ici 2030. Dans cette campagne, le principal sujet est le mandat des cinq prochaines années avec pour horizon 2030 et non 2045. La priorité est la réduction drastique de la consommation d’énergie. De manière générale, nous avons tous de nombreux débats et controverses entre décroissants, il faut l’envisager comme une richesse et ne pas perdre de vue que nous sommes globalement toutes et tous dans le même camp.
Louis F : Quels sont les liens entre la décroissance et l’anticapitalisme ?
Delphine Batho : De façon provocante, les « ne vous inquiétez pas, il suffit d’abattre le capitalisme pour résoudre tous nos problèmes », je dirais que l’on connaît la chanson. J’ai relu dernièrement tous les textes du PSU sur l’écologie, il y avait déjà beaucoup de choses sur la table dès les années 70 au sujet de la rupture avec le consumérisme et le productivisme. Ces évolutions politiques, qui étaient déjà indispensables, ont été différées, au nom de la priorité au partage des richesses. La décroissance est une double rupture avec le capitalisme mais aussi avec le socialisme. Par ailleurs, je ne considère pas que les racines de l’Anthropocène se trouvent seulement dans le capitalisme, mais qu’elles se situent plus profondément (patriarcat, colonialisme, mystique de l’humain supérieur à la nature, etc.)
Joël C : J’ai voté avec grand plaisir pour Delphine Batho sans reniement, enfin ! Je parle de décroissance matérielle et écologiste. Il faut mettre dans les débats la question des trottinettes électriques très polluantes : à quoi réservons-nous les ressources rares et polluantes qu’il faut économiser ?
Delphine Batho : Nous ne parlons en effet pas assez de la biodiversité. Dans les Deux-Sèvres, il existe un centre CNRS qui documente les données d’effondrement de la biodiversité française. L’un de ses chercheurs, Vincent Bretagnolle, est d’ailleurs la toute première personne à m’avoir parlé de collapsologie.
Ugo B : J’aimerais décentrer le débat vers la question des mythes et des cosmogonies. Lorsque j’étais à Sciences Po et au Collège de Bruges, je tentais de convaincre en vain les gens à mes côtés. Je me suis alors rendu compte qu’un être humain tenait bien plus avec des mythes qu’avec des choses concrètes. Est-ce que la croissance et le progrès font consensus dans les idéologies dominantes ? Il faut certainement creuser les notions de vulnérabilité et d’humilité. Nous vivons la fin de la puissance avec celle du pétrole, ce qui oblige à l’humilité avec la prise de conscience de sa vulnérabilité.
Delphine Batho : Le productivisme n’est ni une dérive ou ni une déviance des mouvements issus du marxisme, il est inscrit dès la première phrase du manifeste du Parti communiste. Lorsqu’il est dit « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été QUE l’histoire de la lutte des classes », cela signifie que l’histoire n’est que celle des humains entre eux, indépendamment de la Terre et de l’ensemble du vivant qui déterminent leurs conditions d’existence. Je souscris mille fois à l’importance de l’humilité. A contrario, le slogan de la Présidence française de l’UE « Puissance, Relance, Appartenance » est révélateur d’une culture de la domination dont il faut s’émanciper. L’interdépendance entre décroissance et écoféminisme est essentielle car porteuse de ce changement culturel. En termes de processus politique, nous voulons un changement de régime de nature révolutionnaire : l’abolition du présidentialisme qui inscrit le patriarcat dans les institutions. Bien que la décroissance s’imposera à nous de facto, nous avons tout intérêt à la décider volontairement pour l’organiser le plus humainement et justement possible.
Loïs M : Question rapportée : la décroissance que vous portez, Delphine Batho, est-elle aussi liée à la démographie ? Et si oui, de quelle manière ? Ma question : nous avons parlé des récits, mais quelle place faites-vous à la morale et à la responsabilité pour mobiliser ? Le rôle du devoir semble être une piste intéressante pour fonder l’engagement au temps où l’avenir est si obscur qu’il ne laisse plus aucune lueur d’espoir éclairer l’horizon.
Delphine Batho : Je n’ai pas assez réfléchi à cette question d’un point de vue théorique, mais je pratique déjà un discours de responsabilité. Toutefois, le registre moral n’est pas suffisant. Pour entrainer, il faut mobiliser sur un nouvel imaginaire et une autre vision de l’avenir. Or, ici, nous nous attaquons à une religion. La prégnance de la croissance est de l’ordre du mythe et du religieux. En ce qui concerne la démographie, ce sujet peut être instrumentalisé par certaines forces politiques afin d’occulter la question des responsabilités et des inégalités. C’est d’abord un problème de modes de vie destructeurs. La maîtrise de la croissance démographique passe à mes yeux par le féminisme : l’émancipation des femmes, l’accès à l’éducation, au travail, à la contraception, à l’avortement, à l’égalité sociale et politique. La démographie n’est ni un sujet à esquiver ni un tabou, mais il doit être situé sa juste place.
Thierry C : Nous ne pouvons pas éluder la relation entre croissance et retraites, emplois, services publics, etc. Nous ne pouvons pas imaginer un système décroissant avec des retraites maintenues à un niveau stable. J’ai travaillé sur le découplage. Si l’on imagine qu’il n’y a pas de découplage, on entre dans un système avec de moins en moins de PIB et, donc, de moins en moins de services publics. Comment imaginer une récession acceptable et heureuse ? Quel est le rôle de l’énergie dans une société de décroissance ? Le taux de récession sera limité et amorti par l’accès au nucléaire qu’il faudrait certainement, pour cette raison, conserver.
Delphine Batho : Il y a pour moi un vaste champ de travail sur la réduction des inégalités et la relation entre protection sociale et décroissance à l’échelle macro-économique. J’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur le sujet. Il y a quelques arguments sur l’absence de relation entre les deux. Mais selon moi, nous sommes collectivement un peu court sur le sujet. Il faut travailler là-dessus.
En ce qui concerne le nucléaire, il est problématique de cadrer la discussion sur le carbone en oubliant les questions relatives au risque, à la sécurité et à la sûreté. Pour en savoir quelque chose, en tant qu’ancienne ministre de l’Energie, elles ne peuvent pas être balayées de la main. Le rapport RTE (Réseau de transport de l’électricité) sur les nouveaux réacteurs EPR utilise des modes de raisonnements continuistes qui considèrent que 2040 sera comme aujourd’hui. A ce sujet, il y a d’ailleurs un biais important dans leur choix sur le calcul des niveaux des eaux pour le refroidissement des réacteurs. Ils ont décidé de baser leur modélisation sur des niveaux estimés en 2050 alors que des EPR seraient supposés fonctionner bien après 2070 à des niveaux d’eau bien différents.
Marielle R : Le mot de reconstruction utilisé par Gaël Giraud n’est pas génial, mais celui de redirection écologique dans leur livre Héritage et Fermeture propose une autre voie tout à fait intéressante. Je viens d’une industrie essentielle mais décriée qu’est l’industrie pharmaceutique. Il faut apprendre à gérer ce que l’on a, le résultat de notre abondance, et voir ce que l’on veut garder ou non, ce qu’il faut transformer ou ce qui ne peut l’être.
Delphine Batho : J’ai eu l’occasion d’échanger avec Gaël Giraud, qui est un ami, sur ce terme de « reconstruction » que je trouve trop keynésien. Ce terme s’inscrit dans l’imaginaire social-démocrate de la relance, celui qui fait de l’écologie un nouveau relais de croissance. Ce n’est pas très différent de l’écologie « de production » que défend E. Macron. Pour moi, le mot de reconstruction est conservateur. On le voit d’ailleurs dans le contexte des plans de relance liés au Covid : reconstruire c’est maintenir le système à l’identique au lieu de le transformer. La notion de redirection écologique est très intéressante, mais ses auteurs sont étrangement contre la décroissance et critiquent violement la notion de résilience.
Mathilde S : Au sujet de la réflexion sur les politiques liées aux limites planétaires, je voudrais savoir si c’est un sujet sur lequel vous voulez travailler ou si vous souhaitez le laisser à des groupes de citoyens. Quels sont les objectifs de votre parti aujourd’hui ? Etes-vous d’accord pour poursuivre sur le thème de la décroissance et de quelle manière ?
Delphine Batho : Nous voulons travailler sur l’élaboration d’un projet de décroissance à GE et en lien avec toutes celles et ceux que ça intéresse sur le plan politique et intellectuel. Il nous paraît important de focaliser la réflexion sur les leviers décisifs qui ont des effets structurels. Aujourd’hui, nous sommes en phase de campagne électorale. Cela signifie que nous avons moins de disponibilité. Néanmoins nous organisons beaucoup de formations sur la décroissance. Nous allons aussi prendre des initiatives sur l’entreprenariat et la décroissance, car il commence à y avoir des acteurs économiques qui s’inscrivent dans la décroissance. Ils sont très minoritaires, mais cela peut être un levier important pour la crédibilité de la décroissance.
Agnès S : Je vous remercie Delphine Batho. Mon souhait est que le séminaire d’aujourd’hui ouvre la voie à un meilleur relai de nos travaux qui, je l’espère, vous seront utiles. Je note que votre présence et votre campagne prouvent que notre modeste travail trouve des échos publics. Cela me donne trois idées pour la suite de nos séminaires. En 2023, je note l’importance de réfléchir à des voies de financements de la sécurité sociale, à travailler la territorialisation et la formation, ainsi qu’à développer la réflexion sur les rapports entre les institutions patriarcales et l’écoféminisme. Nous avons intérêt à éclairer ce problème du verrouillage institutionnel par cette mythologie patriarcale. Voilà ce que nous donne envie de faire les propos que vous avez tenus.