
Oppenheimer au risque de la déréalisation de l'hubris atomique
Par Benoît Pelopidas, 26 septembre 2023
Dans le biopic réalisé par Christopher Nolan, les effets de la nucléarisation du monde sont à la fois minimisés et transformés en une forme d’inévitabilité. En trois longues heures qui couvrent une période de vingt ans, nous n’avons vu qu’une explosion, qui semble n’avoir tué personne. Ceux qui ont été contaminés lors de l’essai de Trinity n’apparaissent pas, pas davantage que les victimes d’Hiroshima, Nagasaki et des essais nucléaires. Au cours la période de 1945 à 1963 que couvre le film, plus de 550 explosions nucléaires ont eu lieu (300 américaines, 221 soviétiques, 23 britanniques et 6 françaises), pour la plupart atmosphériques, qui ont disséminé de la radioactivité sur toute la planète et ont affecté la Terre au point que l’on date le début de l’anthropocène aux effets des essais thermonucléaires des années 1950. Au cours de cette période, nous avons traversé la crise des missiles de Cuba dont nous savons maintenant qu’elle n’a eu une issue favorable que par chance et pas simplement parce que les différents dirigeants ont adéquatement géré la crise.
Les spectateurs d’Oppenheimer ont donc reçu un discours filmique sur la fatalité qui leur donne l’illusion de leur propre impuissance, et minimise considérablement les effets de la nucléarisation du monde. Le moment où Oppenheimer parvient supposément à la lucidité, à la fin du film, suggère l’inévitabilité de la destruction du monde. Comme s’il avait était dépositaire de cette prophétie plutôt que son exécutant.
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