« Vivre, c’est être « exposé aux autres », dans une situation de vulnérabilité mutuelle qui est « le nom caché des écosystèmes ». Morizot B & Fussler G., Faiseurs de mondes
Introduction
Dans la lignée du COVID 19 en 2020 ou de l’épidémie de Mpox en mai 2022, les émergences infectieuses se multiplient : la plus grande épidémie de dengue a eu lieu cette année en Amérique du sud, submergeant les hôpitaux et entraînant une forte létalité, le virus de la grippe aviaire H5N1, après avoir décimé les populations d’oiseaux sauvages, s’est adapté à de nombreux mammifères usuellement non touchés (grizzlys, veaux de mer, vaches etc) et est désormais retrouvé dans le lait de vache aux Etats-Unis, faisant craindre une évolution de l’épidémie, de nouveaux virus circulent sur le territoire français comme le virus de l’encéphalite à tiques ou de la fièvre hémorragique de Crimée Congo, etc. Avec les changements globaux, d’autres émergences infectieuses sont amenées à se produire, appelant la nécessité, non pas uniquement de les anticiper ou de savoir y répondre, mais également de les prévenir et de tenter de les éviter (IPBES).
Face à ces émergences infectieuses, les approches actuelles s’intègrent dans une biologisation des maladies ayant induit une mise en avant de l’agent infectieux et une indifférence croissante pour le milieu, corrélée à la diffusion d’une « vision moléculaire du vivant » depuis les années 1960/1970 (Kay). Cette focalisation sur l’agent infectieux s’accompagne d’une focalisation sur le spillover direct (passage de l’agent infectieux entre les espèces) : sur la responsabilité des contacts directs entre animaux et humains dans la survenue de zoonoses, impliquant une relation de braconnage/chasse, une pratique culturelle considérée à risque, mobilisant en arrière fond l’acception de la faute et de la transgression. Ce cadre posé comme un prérequis non questionné, les investigations épidémiologiques se focalisent sur ces aspects, passant potentiellement à coté de l’identification de modes de transmission non investigués (comme les contaminations indirectes). De ce fait, les mesures de prévention visent la proposition de modifications des « pratiques culturellement acceptables » : en préconisant par exemple l’arrêt de la chasse, et la mise en place dans les zones tropicales de chaînes du froid fonctionnelles pour permettre la consommation de viande d’élevage (IPBES).
Le paradigme actuel en santé repose principalement sur des mesures biomédicales, l’innovation et les progrès technologiques et sur la biosécurité à travers le contrôle, la gestion et l’éradication d’agents infectieux envisagés comme intrinsèquement « pathogènes » ou d’animaux hôtes ou vecteurs considérés « nuisibles ». L’utilisation de moustiques génétiquement modifiés comme mesure de lutte antivectorielle n’est pas sans rappeler une forme de géo-ingénierie en santé, s’intégrant dans ce qui peut s’apparenter à une course à l’armement infinie : des solutions technologiques proposées face à des problèmes engendrés par ce même monde technologique. De plus, le paradigme actuel de preparedness, qui correspond à l’anticipation des émergences et la préparation aux futures crises sanitaires, est né dans le contexte de la guerre froide en s’intégrant au sein de la préparation plus large aux risques militaires et terroristes.
Depuis les années 2000, une tentative d’approche intégrative entre santé humaine, santé animale, et santé des écosystèmes a été ébauchée avec l’approche One Health (Zinsstag J). Si elle prend en compte la complexité des émergences et favorise l’interdisciplinarité, son focus vétérinaire et médical et son déploiement dans le cadre dominant de la biosécurité tendent à occulter la prévention et les aspects écologiques. La mise au second plan du secteur de l’environnement n’est pas uniquement la résultante de cette approche par le croisement de la médecine vétérinaire et de la santé publique, mais également le fruit d’une déterritorialisation des maladies infectieuses, de l’étude des agents infectieux au sein d’une approche biologique et universalisante qui les détachent de leurs conditions d’émergence et des environnements pathogènes impliqués. Enfin, l’approche One Health s’est intégrée au sein du paradigme biosécuritaire sans le remettre en question, permettant la poursuite de l’intensification de l’agriculture en même temps que la défaunation et l’extinction des espèces, sans remise en cause des causes structurelles impliquées dans les émergences infectieuses (IPBES).
Plus récemment, le concept de santé planétaire appelle à replacer la santé humaine au sein des limites planétaires, mais persiste dans un anthropocentrisme, sans remise en question des causes structurelles des émergences et en perpétuant la tendance techno-solutionniste (David PM).
Les approches anthropocentrées et utilitaristes actuelles, l’état de crise sanitaire permanent et une gestion réactive devenue la norme empêchent de penser des changements transformateurs (IPBES) essentiels pour réellement prévenir les maladies infectieuses émergentes (MIE) et mettre en avant la nécessité d’une véritable rupture épistémologique en santé et d’un déplacement de paradigme.
Notre proposition est de retravailler l’ensemble des conceptions mobilisées en santé à partir de perspectives écologiques, évolutives et écosystémiques, en faisant appel à l’écologie de la santé : une approche qui favorise des approches préventives issues de l’écologie allant au-delà du One Health. Née dans les années 1960-70, l’écologie de la santé prônait notamment des interventions généralistes en santé comme l’établissement de conditions basiques de vie (amélioration des habitats, salubrité, etc). Elle a été frappée d’obsolescence face à la biologie moléculaire, les approches réductionnistes et le financement privilégié d’innovations techniques.
C’est ainsi un véritable changement théorique et pratique de paradigme en santé qui est ici suggéré, à la fois en termes de recherche, d’appréhension des émergences infectieuses, et comme paradigme d’intervention.
L’écologie de la santé comme paradigme de recherche : pour une conception environnementale et relationnelle des maladies infectieuses émergentes
L’écologie de la santé est née dans les années 1960/70, en relation avec le concept d’environnement (Feuerhahn W) et d’oecologie (Ernst Haeckel), « science qui étudie les mutuelles relations de tous les organismes vivants en un seul et même lieu, et leur adaptation au milieu qui les environne ». L’écologie de la santé peut se définir comme l’étude transdisciplinaire de la dynamique des relations et des interactions entre les écosystèmes et la santé humaine, elle correspond à un cadre de compréhension des changements à l’interface humains-écosystèmes, et à une approche pratique de la santé dans un contexte de changements globaux. L’approche EcoHealth cherche à comprendre les déterminants de la transmission des maladies infectieuses émergentes dans les contexte de leurs écosystèmes d’origine et des évolutions récentes des territoires et socio-écosystèmes potentiellement impliquées dans leur apparition (Morand, 2020). Cette approche socio-écosystémique intégrée basée sur l’éco-diagnostic des environnements et des problèmes des communautés concernées par elles-mêmes, insiste sur la place de l'humain au sein de son milieu vivant, en interdépendance avec les non humains.
L’écologie de la santé vise à étudier la santé à partir du prisme du lien de l’individu avec son groupe social, son environnement et ses interactions avec les autres, à « étudier la santé comme une composante de cette vie d’interactions » (Morand S). Faire appel à l’écologie de la santé induit la mobilisation de dimensions jusque là peu prises en compte en matière de santé et d’émergences infectieuses : d’une part la dimension temporelle (évolution), la dimension spatiale et topologique (écologie) et la dimension relationnelle (écosystème). En s’inspirant des apports théoriques des sciences de l’évolution, des sciences de l’écologie et des sciences des écosystèmes, l’écologie de la santé permet ainsi de réinsérer la compréhension et la gestion des maladies infectieuses émergentes respectivement au sein des temporalités, au sein des lieux/milieux/paysages et contextes de ces émergences, et au sein des relations/interactions inhérentes aux partages de mondes avec les autres vivants. Cette approche fait éclore une conception écologique et relationnelle de la santé ancrée dans les temps longs de l’évolution du vivant.
Mobiliser les sciences de l’évolution pour réinsérer les maladies infectieuses émergentes au sein de temporalités longues
Le paradigme sanitaire actuel est essentiellement réactif, englué dans la gestion de crises sanitaires successives assorties de solutions à court terme, obéissant aux logiques administratives ou électorales et acceptables par les populations concernées. Or « c’est bien parce qu’on anticipe l’avenir uniquement sous la forme de crises sanitaires qu’on reconduit les conditions et les possibilités mêmes de ces problématiques de santé » (Besombes, 2022). En effet, le terme de crise est désormais utilisé loin de son sens originel – une situation d’exception appelant des décisions – et désigne désormais un état normal, permanent. L’urgence et l’incertitude deviennent alors constitutives du présent et paralysent les dynamiques : dans cette temporalité modifiée de la crise permanente, tout est devenu réactif, empêchant la possibilité de faire advenir une vision de long terme en santé. A contrario, appréhender la crise selon son acception originelle en tant que remise en cause de l’univers de référence serait l’occasion de se saisir de nouvelles opportunités de transformation radicale. » (Besombes C 2022 ; Revault d’Allones M)
Mobiliser les principes de l’évolution en santé, c’est s’éloigner nécessairement des mesures réactives prises en urgence, pour aller vers des mesures de temps long plutôt préventives, vers une santé proactive. Il s'agit de contrecarrer le présentisme qui se focalise sur "l'immédiat sans passé sans futur" (Hartog). Ce faisant, on réinscrit les problématiques de santé et les solutions proposées dans les temporalités longues qui sont propres aux échelles de temps des processus écologiques à l’œuvre dans l’apparition d’une émergence et des coévolutions entre espèces et agents infectieux. Cela nécessite que les sciences de l’évolution et la médecine évolutive soient enseignées dans les études de santé, car elles sont nécessaires pour comprendre qu’une partie des maladies nous affectant résultent d’une désadaptation (mismatch) entre nos corps, issus de processus de sélection au sein d’environnements complètement différents, et les environnements actuels. De plus, la médecine évolutive permet de proposer des approches et des solutions originales prenant en considération l’évolution et la coévolution des humains avec les non humains et les milieux. De la même façon, des réflexions récentes doivent aussi être enseignées telles que la notion de tournant microbien qui réhabilite le rôle fondamental des microbes dans les fonctionnalités humaines les plus élémentaires, suite à des processus long de coévolution avec différents micro-organismes (Brives C & Zimmer A). En pratique, cela exige notamment la mise en place d’autres temporalités de recherche, favorisant plutôt un suivi long et de qualité d’un écosystème spécifique, et induit donc la nécessité de réguler le financement par projet (Giraudoux P., 2022).
Cette prise en compte des temps longs de l’évolution est d’autant plus importante dans cette période de changements globaux que l’Anthropocène provoque un vertige en termes d’appréhension des processus évolutifs. De fait, l’évolution darwinienne agit moins vite macroscopiquement que l’influence des changements d’origine anthropique sur les processus actuels de sélection (Giraudoux P 2024). En effet, désormais des espèces sont modifiées par sélection soit directement par design anthropique, soit indirectement par l’influence des changements globaux eux-mêmes (Giraudoux P., 2024).
Mobiliser les sciences de l’écologie pour redonner ses dimensions topologiques à la santé
A la suite de la découverte des microbes, puis du développement de la biologie moléculaire, est advenue en matière de santé, en Occident, une période dominée par une conception réductionniste visant à étudier et à traiter les maladies infectieuses en se focalisant sur l’agent infectieux détaché de son milieu. L’objectif d’une biologie et d’une médecine universalisantes est alors de lutter contre une maladie d’une seule façon, quelle que soit la personne ou l’endroit concerné (cette revendication de justice sociale globale et d’accès aux traitements essentiels étant par ailleurs strictement nécessaire.
Mobiliser les sciences de l’écologie en matière de maladies infectieuses émergentes interdit de négliger les contextes d’émergence, les milieux d’origine des épidémies. Il (ré)apparaît désormais que les socio-écosystèmes, leurs fonctionnalités, leurs évolutions, et les changements subis sont déterminants dans l’émergence des épidémies. La co-émergence de plusieurs maladies infectieuses émergentes dans un même écosystème ou les présentations/manifestations épidémiologiques et cliniques atypiques localisées de certaines maladies infectieuses émergentes (Lachenal & Thomas) nécessitent de les réinterroger à l’aune de l’histoire sédimentée de leurs territoires d’émergences, et de leurs liens avec les environnements de l’Anthropocène ou du Plantationocène (Ferdinand M, Tsing A, Haraway D).
La dénomination Plantationocène considère la plantation comme matrice des manières d'habiter la Terre (Chivalon C.). La généralisation des changements d’usage des terres au profit du modèle de la plantation et de la monoculture a notamment consisté en déplacement et importation d'espèces non indigènes cultivées de façon clonale, en élimination de toute espèce animale ou végétale considérée comme nuisible ou freinant le rendement des cultures, et en importation de forces de travail, conditions qui ont induit des modifications conséquentes des écosystèmes : homogénéisation, disparition des espèces spécialistes forestières, pullulation d’espèces généralistes anthropophiles et opportunistes, importation d’espèces sans leur prédateur naturel, mise au travail généralisée des vivants, mise en promiscuité, etc. L’écologie de la santé amène ainsi à penser les émergences infectieuses non plus à partir des agents infectieux, mais à partir des milieux, permettant d’envisager les maladies infectieuses émergentes comme la survenue de perturbations anthropiques au sein d’« environnements devenus pathogènes ».
Repenser les émergences infectieuses à partir de leurs contextes d’émergences permet de réinterroger les modes de relations animaux/humains impliqués dans les spillover (passage de l’agent infectieux entre les espèces) et d’élargir le champ des questions à soulever lors des investigations d’épidémies en allant au-delà du couteau du chasseur (Rupp ; Dozon & Fassin). Il s’agit d’explorer de potentielles contaminations indirectes et environnementales comme la consommation de restes alimentaires, de fruits léchés ou mangés en partie par d’autres espèces, le partage de source d’eau commune pour la boisson et la baignade, le contact avec des animaux sauvages domestiqués (primates, etc), etc (Narat V) et d’essayer d’identifier des zones de virulence environnementale.
En outre, cela permet d’explorer le concept de land use-induced spillover : le passage d’agent infectieux induit par l’usage des terres et les modes de relations développées avec les milieux et les non humains, en se posant la question de qui est responsable de ces environnements pathogènes et donc de ces zoonoses, en les réinsérant dans une temporalité de long terme, seule à même d’envisager pleinement la causalité : quelles activités sociales, quels groupes sociaux, quelles manières de produire, de se nourrir, de se déplacer, d’habiter l’espace sont précisément responsables des épidémies ? Il s’agira de remonter les chaînes de production des épidémies jusqu’aux acteurs responsables des destructions (Buscher & Fletcher), soulignant la responsabilité de nouveaux acteurs à première vue plus éloignés des zoonoses que sont les élites politiques et économiques, les propriétaires terriens, les exploitants agricoles et industriels et enfin les classes moyennes occidentales et leurs modes de consommation impliquant la déforestation importée (Buscher & Fletcher).
Ce qui entraîne la nécessité d’un renversement de la responsabilisation et de la stigmatisation, et la désignation de nouvelles cibles pour promouvoir des « changements culturels acceptables » différents. L’analogie avec les politiques de conservation est intéressante à déployer : les politiques de prévention en santé comme les politiques de conservation stigmatisent et visent principalement les communautés autochtones vivant sur place (Buscher & Fletcher), faisant porter la responsabilité des spillovers et des pertes de biodiversité sur les pratiques culturelles et de subsistance locales. A rebours de ces approches, nous proposons ici d’envisager la prévention des émergences infectieuses à la fois en déplaçant la focale des interventions sur le système globalisé et en redonnant prise aux communautés habitantes sur les usages des terres et la gestion des populations animales et végétales localement (Buscher & Fletcher).
Cette relocalisation et cette reterrestrialisation des émergences infectieuses replacent la santé dans ses enjeux topologiques (Eliçabe) et ravivent les relations et interactions entre humains/agents infectieux/animaux et l’évolution des milieux, des paysages. Faire appel aux approches écologiques requiert de s’éloigner des études en laboratoire et implique une étude sur le terrain, dans le réel, en prêtant attention aux particularités spécifiques à chaque zone étudiée : un processus écologique étant influencé différemment selon l’histoire de chaque socio-écosystème (Kolher R).
Approche paysagère des maladies infectieuses émergentes
Cette vision territorialisée des émergences appelle à mobiliser des approches de géographie de la santé, et de landscape epidemiology (Pavlovski) initialement développées dans les années 1960 en Union soviétique. Elles visent à étudier les variations spatiales des maladies en connexion avec les caractéristiques des paysages et des facteurs environnementaux influençant les dynamiques des hôtes, vecteurs et agents infectieux. L’étude de la sémiologie géographique permet de déceler des patterns éco-épidémiologiques spécifiques des différents socioécosystèmes appelant à étudier les maladies infectieuses émergentes depuis ce que nous nous proposons d’appeler des biorégions éco-épidémiologiques : des unités écologiques (paysagères, faunistiques) et culturelles cohérentes aboutissant à des patterns épidémiologiques (complexe pathogène spécifique à un type de socioécosystème, faciès épidémiologique similaire).
Pour aller plus loin dans cette optique, la notion de paysage nous semble intéressante comme unité d’étude car le paysage regroupe l’écosystème et le territoire habité, les habitants humains et non humains, il est décomposé en composants abiotiques (réseau hydrographique, relief), biotiques et anthropiques. La mobilisation de l’approche paysagère en santé vise à identifier des facteurs favorables à l’émergence d’épidémies au sein des facteurs écologiques et spatiaux présidant aux interactions hôtes-paysages, à travers la lecture d’indices paysagers, et la détermination de paysages présumés à risque d’émergence et de spillover. Le paysage semble permettre de rendre visibles et concrets des facteurs impliqués dans les émergences infectieuses : les fragmentations des écosystèmes, les disparitions de haies, les changements d’usages des terres, les impacts des changements climatiques, l’érosion de la biodiversité, les variations de pressions anthropiques...
Pour prendre un exemple de pattern éco-épidémiologique et de lien entre paysages-hôtes-vecteurs-maladies, il est intéressant d’évoquer l’impact des changements des pratiques agricoles guidés par la Politique agricole commune (PAC) dans les années 1960, qui ont conduit, dans certains territoires de moyenne montagne, comme le Massif Central ou le Jura/ Doubs, à une spécialisation dans la production fromagère et donc à la généralisation des prairies permanentes (absence de labours, engrais pour l’enrichissement des sols et de la qualité fouragère visant l’amélioration de la productivité) et au remembrement par la destruction des haies qui servaient d’habitats aux renards et rapaces. Ces changements ont conduit à une diminution de la régulation/prédation de divers rongeurs dont la prolifération est secondairement impliquée dans plusieurs émergences infectieuses, comme l’échinococcose alvéolaire. La prédominance de cette maladie parasitaire responsable d’abcès au foie, dans certaines régions de France (Jura Doubs, Massif Central) qu’on peut nommer pattern éco-épidémiologique, étant témoin de la puissance transformative des facteurs anthropiques.
Le paysage permet également la visibilisation des conflits entre différentes pratiques, différentes visions du territoire, entre usages et protection des milieux et des espèces. Le paysage peut être mobilisé comme clé de lecture à la frontière des représentations passées, des usages présents et des projections futures du territoire. La notion de paysage permet d’embrasser la diversité des regards et des relations qui se nouent entre des individus et leurs environnements. Il devient alors le support privilégié d’une médiation paysagère (Sans D). « La vue d’ensemble que constitue le paysage oblige à considérer le territoire dans sa globalité, il fédère les politiques éparses, l’approche paysagère remet en relation en résonance et en cohérence des interventions désarticulées, elle recoud le territoire et met en lien », et invite au dialogue démocratique (Thibault JP). Le paysage semble ainsi en mesure d’inspirer efficacement l’aménagement du territoire dans le contexte des transitions énergétiques, écologiques et sociales dans lesquelles nos sociétés doivent s’engager : « Le projet de paysage peut donc, par ses errements, devenir le vecteur d’une écologie concrète de l’espace habité comme support d’une nouvelle théorie critique de l’espace public. » (Dalbaere, D.)
Finalement, le paysage est lié à l’émergence de la sensibilité esthétique qui éveille une capacité à se relier de façon non utilitaire à la nature. « Le paysage accompagne le développement de la science et de la technique, mais en prenant en charge ce qu’elles laissent par principe de côté : les relations sensibles et émotionnelles aux espaces qui nous entourent » (Ritter J). L’écologie de la santé ne s’inscrivant plus dans cette dichotomie science/objectivité versus subjectivité, reprendre en considération les paysages permet de faire éclore « cette capacité de se relier de façon non utilitaire à la nature » (Ritter, J.).
L’appréhension des émergences infectieuses à partir des paysages appelle à renouveller les approches en santé et à poser des questions non posées jusqu’alors, en envisageant les paysages comme témoins des relations pathogéniques ou salutogéniques des humains envers leurs milieux et les non humains, et les maladies comme expressions plurielles des relations entre un territoire et ses habitant-e-s.
Sciences des écosystèmes : aborder les maladies infectieuses émergentes par le biais des interdépendances
Les approches renouvelées en santé cherchent à s’axer sur les interdépendances, les interactions inhérentes aux fonctionnements des écosystèmes et des communautés animales, en termes de réseaux trophiques (ensemble des relations alimentaires entre espèces au sein d’un écosystème).
Les maladies infectieuses émergentes nécessitent d’être étudiées à partir des différentes fonctions écologiques remplies par des écosystèmes fonctionnels (prédation multi-échelles, compétition, dilution, amplification).
Il s’agit notamment d’étudier plus finement les rôles des prédateurs en matière de santé : en s’intéressant aux amphibiens mangeurs de larves et d’œufs de moustiques, aux oiseaux et chauves souris se nourrissant de moustiques adultes et diminuant ainsi la dissémination de différentes maladies vectorielles et arboviroses (dengue, Usutu, West Nile) ; aux renards et rapaces diurnes et nocturnes régulateurs de populations de rongeurs ; aux loups régulateurs de populations de sangliers ou de cervidés réduisant la dissémination de la tuberculose bovine, ou de la peste porcine africaine (Besombes C, 2023).
Se nourrir des sciences des écosystèmes permet de prendre en considération les boucles de rétroactions à partir de l’étude des socio-écosystèmes dans leur complexité, par le suivi de l’évolution d’un territoire, de la dynamique des populations animales, de la dynamique épidémique et de l’incidence de plusieurs maladies infectieuses émergentes sur un temps long, pour dépister les signaux d’alerte : les évolutions préoccupantes à risque sanitaire.
Les équilibres prédateurs-proies sont impactés par la dégradation, la fragmentation et la destruction des habitats, ce qui peut induire notamment la prolifération de petits rongeurs opportunistes, impliqués dans une grande partie des zoonoses émergentes actuellement problématiques (lassa, mpox, peste), ou de vecteurs impliqués dans la montée en puissance des maladies vectorielles (dengue, fiévre catarrhale ovine, maladie de Lyme).
Les recherches sur la compréhension et la gestion des maladies infectieuses émergentes gagneraient à s’intéresser de façon plus fine aux relations entre les pôles humains/animaux/environnement, pour tenter d’identifier à quel niveau des évolutions et des déséquilibres seraient survenus, et à quel niveau il serait le plus pertinent d’intervenir pour choisir la solution spécifiquement adaptée à l’expression locale de la problématique de santé, avec l’implication des communautés concernées tout au long du processus.
Vers une santé multispécifique : au-delà de l’anthropocentrisme et de l’utilitarisme
Cette proposition vise à souligner la nature écologique de la santé, c’est-à-dire tout à la fois rappeler ses dimensions spatiales et temporelles, son caractère situé, localisé, territorial, et également à souligner la nature profondément relationnelle et systémique de notre existence et de notre santé. Cette conception écologique et relationnelle de la santé appelle à sortir de l’anthropocentrisme pour aller vers un nécessaire éco-évocentrisme, pour penser la santé en termes de co-viabilité (la viabilité des sociétés humaines reposant sur la viabilité des écosystèmes), impliquant une sortie du rapport gestionnaire au vivant pour restituer la place aux processus inhérents à l’autonomie plus qu’humaine (Dehaut S).
Notre proposition prend radicalement ses distances avec les notions de services écosystémiques et de solutions basées sur la nature, critiquables en ce qu’elles considèrent la nature et les vivants comme des ressources exploitables et financiarisables. Appelant à abandonner le terme de « ressources » pour s’ancrer au sein d’une communauté biotique élargie (Léopold A.), une éthique biocentrée* ou évocentrée* permettrait de changer de mode de compréhension du monde et d’entrer dans un nouveau paradigme (Sarrazin F & Lecomte J). Ces exigences ont vocation à défendre le vivant sans exigence de contrepartie, appelant à respecter les processus du vivant pour eux-mêmes.
Pour prévenir les enjeux actuels et futurs de santé, en complément du renforcement des politiques sociales et de santé publique et des capacités de nos hôpitaux publics, notre proposition vise à prendre soin du tissage multispécifique dont est constitué notre milieu de vie et à rechercher les conditions d’habitabilité durable de ces milieux de vie, en visant une santé multispécifique (Balaud & Chopot). Cette santé multispécifique s’envisage comme une santé intégrée de l’ensemble des vivants au sein des écosystèmes et à l’intérieur des limites planétaires (Besombes C, 2021). Cette approche se fonde sur la santé des socio-écosystèmes à travers la préservation et la restauration des conditions minimales permettant à tous les vivants d’exprimer leurs propres capacités régénératives et évolutives. Cette santé multispécifique affirme la valeur intrinsèque du vivant et appelle à défendre la part sauvage du monde (Marris V) pour elle-même dans un véritable compagnonnage avec la nature (Fenoglio & Fleury). Cette notion de compagnonnage appelle à sortir des paradigmes gestionnaires, qu’il s’agisse de conservation ou de politiques de santé, pour aller vers des alliances interspécifiques (Morizot) et une convivialité visant le « vivre ensemble » (Ducarme & Blandin ; Buscher & Fletcher).
En pratique, penser le vivre ensemble sur un territoire en matière de santé, penser à la fois la santé des populations d’animaux sauvages, de l’écosystème, dans le cadre d’une santé multispécifique, nécessite de réinterroger l’ensemble des pratiques d’un territoire à l’aune de la situation pathologique d’émergence, en l’interprétant comme un signal. Prenons la situation de la réémergence de la brucellose dans les Alpes, impliquant les bouquetins du Bargy : en 2012, deux cas humains de brucellose ont été détectés, ils étaient épidémiologiquement reliés à la consommation de reblochon fermier venant d’élevages bovins locaux puis, par extension, l’enquête a mise en évidence la présence de traces de la maladie chez les bouquetins du massif du Bargy (Arpin I). L’approche biosécuritaire usuelle mise en place a consisté à abattre d’abord les élevages bovins concernés, puis les bouquetins initialement à l’aveugle et ensuite de façon ciblée (en abattant les bouquetins séropositifs) (Arpin I). Le bilan des interventions a été mitigé, les abattages ayant déstructuré les populations de bouquetins et ayant potentiellement induit une dispersion des bouquetins malades et de la maladie d’une colonie de bouquetins à d’autres colonies.
De plus l’application de mesures biosécuritaires, usuellement réservées aux animaux domestiques, à des animaux sauvages, a soulevé de nombreux questionnements éthiques. Une approche cherchant le vivre ensemble et une santé multispécifique saisirait l’occasion de réinterroger, depuis cette maladie, l’évolution du territoire et des pratiques : Il s’agirait de s’interroger sur le rôle de certaines zones de contacts/interfaces comme les pierres à sel et les abreuvoirs dans la transmission d’agents infectieux, de questionner l’empiétement des estives sur les habitats des espèces sauvages, la place laissée ou non dans nos sociétés aux grands prédateurs et les impacts sur leurs capacités à exercer leurs rôles dans la régulation de certaines maladies, et notamment le rôle des loups en densité suffisante comme régulateurs de certaines maladies (Besombes 2023), ou encore la place des vautours comme charognards qui lorsqu’ils sont en densité suffisante qui permet d’éliminer rapidement les carcasses ou les placentas contaminés, limitant la contamination de l’environnement. Cela aurait permis de réinterroger le territoire dans son ensemble à l’aune des bouleversements qu’il traverse, pour repenser nos pratiques et leurs soutenabilités et envisager des transformations profondes de nos modes d’habiter.
L’écologie de la santé comme paradigme d’intervention
Si les inspirations théoriques de l’écologie de la santé mobilisent des changements en profondeur, il en est de même en pratique et dans l’expérience concrète. Inspirée par l’écologie qui est dès le début une science d’action, et qui se pratique sur le terrain en faisant sortir les chercheur-se-s du laboratoire, l’écologie de la santé et l’étude des maladies infectieuses émergentes doit faire sortir des laboratoires en s’éloignant quelque peu des approches uniquement biologiques ou bioinformatiques pour aller sur le terrain (Kolher R). L’écologie de la santé est par exemple mise en pratique au sein des zones atelier : des territoires laboratoires qui visent à analyser les trajectoires des socioécosystèmes par le prisme des interactions humains/nature et les risques environnementaux, et à construire une recherche appliquée en liens avec les acteurs et actrices du territoire.
Des approches d’écologie de la santé sont par exemple développées au sein de la zone atelier du Val de Sévres qui étudie la santé environnementale de ce territoire à tradition agricole, à travers le prisme des pesticides et de la maladie de Lyme, ou encore la zone Atelier Camargue qui s’intéresse de façon croisée à l’antibiorésistance et à la grippe aviaire à l’échelle de ce territoire écologiquement et culturellement très spécifique. Ces zones ateliers visent à décrire, comprendre, prédire la réponse des socio-écosystèmes aux changements globaux pour formaliser et théoriser leur fonctionnement et aider ainsi à leur gestion et à leur gouvernance. En tant que laboratoire de plein air, ces zones ateliers sont les témoins d’une « bifurcation épistémologique, car elles ont pour but de concevoir des recherches qui visent explicitement le changement social via la modification des pratiques d’acteurs » (Benvegnu N).
L’écologie de la santé revendique l’établissement de connaissances pour l’action, ce qui correspond à une évolution épistémologique : les sciences actuelles promeuvent l’établissement de connaissances à vocation universelle, et parfois coupées de leur réalisation pratique ou sans possibilité de reprise par des acteurs et actrices de terrain. Afin de reconnecter les recherches aux territoires, l’écologie de la santé ne sépare pas la recherche de son application concrète, elle vise à formuler des questions de recherche répondant aux questionnements que se posent les populations localement devant une problématique contemporaine. Cet ancrage territorial des recherches et des réponses à apporter aux problématiques induit des changements de nature dans les solutions apportées : il est plus difficile de recommander des mesures socialement controversées lorsque cela concerne aussi le territoire sur lesquels les chercheur-se-s vivent.
L’écologie de la santé consiste en un changement majeur en termes d’intervention en santé : elle appelle à développer des projets non plus centrés sur une maladie en silo, mais à proposer une surveillance intégrée, préventive et globale depuis un territoire épidémiologiquement et écologiquement pertinent. L’ambition est bien de concevoir, depuis les milieux ravagés, des possibilités pour agir sur la santé de la communauté biotique élargie à l’échelle du territoire, et pour introduire les préoccupations de santé dans la gestion et la préservation des écosystèmes, afin de prévenir de façon proactive les émergences et de tenter d’atténuer leurs conséquences à chaque étape.
Surveillance intégrée en amont du spillover* à l’échelle du territoire
L’approche d’écologie de la santé implique de s’intéresser de façon holistique à la santé globale de l’écosystème et du territoire, de la faune sauvage, de la faune domestique et des humains présents sur un territoire. Elle s’éloigne de l’approche biologique ou médicale « par maladie », en promouvant la mise en place d’une surveillance intégrée préventive en amont du spillover* à l’échelle d’un territoire éco-épidémiologiquement cohérent. Cette surveillance intégrée passe par le suivi des différentes populations/communautés de la faune sauvage : rongeurs, chauves souris, mammifères d’intérêt, prédateurs, rapaces, et vecteurs (tiques, moustiques) et animaux d’élevage, et des interactions des différentes populations au sein d’un territoire partagé entre humains et non humains.
Ce type de surveillance intégrée selon une approche Eco Health étudiant le fonctionnement des écosystèmes à l’interface humains-animaux-environnement sur le temps long, permet de détecter des signaux d’évolution évocateurs d’une émergence et d’une situation préoccupante sur le territoire, de regarder toute la chaîne causale pour identifier l’endroit et le moment auquel il serait le plus utile d’intervenir, posant plus largement la question : quelles synergies écosystémiques particulières activer à cet endroit précis pour tenter d’échapper aux émergences infectieuses ? (Rollot M). Elle permet de réagir rapidement devant une émergence grâce à la création et au renforcement du réseau d’acteurs/actrices du territoire préexistant à la crise.
Par ailleurs, l’écologie de la santé implique nécessairement les populations concernées, depuis la saisie des chercheurs pour enquêter sur un phénoméne sanitaire ou écologique, et la définition de la problématique, jusqu’à l’interprétation des résultats et l’élaboration de mesures. Cette implication pleine favorise l’avènement de mesures novatrices et inédites en matière de prévention des maladies, et le caractère directement opérationnel des solutions proposées, rendant caduques les actuelles procédures d’acceptatibilité.
Cette proposition est également originale en ce qu’elle transforme la notion de recherche participative ou de recherche communautaire, habituellement centrées sur des revendications biomédicales, thérapeutiques ou sociales (SIDA). Il s’agirait ici d’une recherche communautaire sur les aspects écologiques en santé, qui chercherait à faire la lumière sur les causes environnementales et écologiques des maladies infectieuses émergentes. Il s’agit de s’approprier les connaissances et les possibilités d’intervention pour lutter contre leurs causes environnementales et questionner les aménagements des territoires et les gestions des populations animales néfastes à la santé sur le temps long, en résonance avec des mouvements aux revendications plus offensives.
Tout comme le médecin pratique la lecture de symptômes pour identifier la maladie et sa cause et ainsi agir de façon appropriée, il s’agira ici de prévenir et soigner à partir des paysages et des pratiques et usages des lieux et des milieux, en inventant une médecine du territoire.
Prévention des émergences infectieuses à partir des milieux : prophylaxies écologiques, Landscape immunity et réensauvagements en santé
Repartant du constat que ce sont les environnements et les paysages qui sont devenus pathogènes (pathogenic landscapes), et reconnaissant la nature « landuse-induced » (induite par les changements d’usage des terres) des émergences infectieuses et des spillovers, le paradigme d’écologie de la santé propose de prévenir et répondre aux émergences en intervenant depuis les paysages, les écosystèmes, depuis les habitats et les réseaux trophiques. Il s’agit de promouvoir des prophylaxies écologiques (Leblan V) depuis l’aménagement des territoires : des interventions «pro-biotiques», basées sur les processus biologiques, écologiques et évolutifs spontanés, libérés des contraintes anthropiques, permettant une reconstitution, un épanouissement de la complexité des milieux et des réseaux trophiques.
Ces interventions consistent en la préservation des écosystèmes encore diversifiés, la restauration écologique et la remédiation des habitats ou sites nourriciers de la faune sauvage préalablement détruits, afin de leur permettre de trouver à nouveau refuge et nourriture. Pour prendre un exemple ,en Australie, le constat que les épidémies de virus Hendrah étaient en lien avec les destructions des sites de nourrissage hivernaux des chauves souris frugivores, ayant entraîné la dispersion et la fragmentation des colonies de chauves souris et la majoration des contacts avec les chevaux ou les humains. L’intervention en santé a reposé sur la reconstitution de sites de nourrissage (essentiellement des eucalyptus) afin d’éviter la dispersion et la fragmentation des colonies de chauves souris (Eby et al. ; Plowright et al.,), et de garantir l’habitabilité interspécifique du territoire). Le concept de landscape immunity (immunité paysagère) décrit cet état de l’écosystème et des communautés faunistiques évitant la survenue de spillover : les conditions écologiques prévenant l’établissement d’une haute prévalence d’un pathogène et son partage, et tamponnant l’exposition humaine.
La question de « quelle(s) synergie(s) écosystèmique(s) activer dans ce socio-écosystème précis à cet instant » (Rollot M.), est ainsi spécifiquement posée en lien avec l’identité des lieux et de ses habitant-e-s humains et non humains, en lien avec le contexte historique et contemporain. Les réponses apportées seront singulières et spécifiques au lieu et milieu concerné, et se posent bien sûr en complément de l’accès aux médicaments et vaccins, efficaces quelque soit le lieu ou le contexte.
Le notion de paysage est également envisagée comme un médium d’action : l’appréhension à l’échelle du paysage permet également d’agir depuis ces paysages et leurs évolutions, à portée d’action humaine. S’il devient possible « de lire et d’interpréter les formes et les dynamiques paysagères pour y apprendre quelque chose du projet de la société qui a produit ces paysages » (Augustin Berque), de lire plus objectivement, à travers les paysages actuels pouvant sembler naturels ou immuables, les valeurs et les formes d’organisations sociales préalablement choisies, il devient ainsi envisageable de proposer de nouveaux paysages à l’image des valeurs choisies ensemble pour le présent et l’avenir de nos sociétés humaines au sein des enjeux écologiques globaux et climatiques. Il est ainsi possible de promouvoir une planification conviviale du paysage : un processus collectif de reconstruction conviviale du paysage, et à travers elle du projet de société.
Réensauvagements en santé
Face à l’homogénéisation et à la simplification massive des milieux au sein de l’Anthropocène et du Plantationocène, il s’agit de promouvoir des prophylaxies écologiques, des interventions « pro-biotiques » basées sur les processus biologiques, écologiques et évolutifs spontanés, à travers la dédomestication des espaces et la reconstitution de la complexité des milieux, favorisant les biodiversités génétiques, la biodiversité des espèces, des paysages, des écosystèmes, des cultures : des réensauvagements en santé (Besombes C, 2021). Par « réensauvagement », on entend la sortie d’un rapport gestionnaire au vivant, et la restauration non de certaines espèces mais des processus écologiques naturels et spontanés, laissant s’exprimer les potentialités du vivant par atténuation des contraintes anthropiques, et laissant advenir des paysages sauvages favorisant concrètement l’inversion du déclin de la biodiversité (Besombes C., 2021). Les approches de lutte antivectorielle principalement centrées sur la modification génétique de moustiques participent de la poursuite d’un processus de domestication ultime du vivant, c’est aussi à rebours de cette domestication qu'il s'agit de proposer des réensauvagements en santé.
A travers la notion de réensauvagement, c’est également les rôles et les fonctionnalités permises par des réseaux trophiques complets, les rôles des prédateurs et des charognards en santé que nous souhaitons souligner et rendre visibles. C’est justement au nom de leur implication dans « l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques » (reprenant l’article 1 de la classification ESOD) (Code de l’environnement, Art. R427-6, 2018) que nous proposons un retournement de ces critères de classification pour montrer non seulement le caractère caduque de ces catégories de « nuisibles », mais au contraire la pleine place de chaque espèce au sein des écosystèmes.
In fine, le réensauvagement sous-entend une sortie du paradigme de gestion et d’intervention sur le modèle de la libre évolution préconisée pour les forêts (visant à laisser les forêts se déployer librement, en observant leurs adaptations aux changements globaux après atténuation des contraintes anthropiques) (Morizot B, 2020). Plus largement, il s’agirait de garantir des assemblages de viabilité multi-espèces au milieu de la perturbation et la persistance de refuges à partir desquels la faune et la flore et des écologies complexes pourraient ensuite progressivement recoloniser des terres dont elles avaient disparu, de favoriser les résurgences holocéniques face aux proliférations anthropocéniques comme proposé par Anna Tsing. Ces réensauvagements s’opposent aux temporalités courtes des crises sanitaires et se posent également comme des ralentissements des temporalités humaines en pleine accélération (Rosa H). L’écologie de la santé s’inscrivant dans ce relâchement des volontés de contrôle et de gestion, vise à promouvoir les conditions d’expression de l’autonomie plus qu’humaine (Dehaut S). Face à la domestication et à l’exploitation, il s’agit ainsi de promouvoir des formes de marronnage des milieux (Touam Bona D), des communautés qui habitent et prennent soin des lieux : des contre-plantationocènes (Chivalon C).
Penser la santé du territoire depuis les communautés réhabitantes, révéler des communs multispécifiques : des environnements pathogènes subis aux territoires de santé partagée
Face à la dégradation massive des milieux et des écosystèmes et au manque de mobilisation suffisamment puissante pour contrer les catastrophes écologiques et sociales, face à une démocratie représentative de moins en moins participative, et pour contrer ce sentiment de subir sans pouvoir agir sur ce qui nous arrive, nous envisageons la prise de conscience des liens directs entre aménagements des paysages et émergences infectieuses comme un levier de remobilisation populaire. De façon pratique, privilégier la connaissance de nos milieux de vie et des espèces qui les composent, à travers l’acquisition de savoirs situés, favorise l’implication de toutes et tous dans la préservation des biotopes et de l’état de santé d’un territoire.
Les objectifs de santé peuvent être révélateurs des communs latents c’est-à-dire des enchevêtrements invisibilisés, les communs potentiels qui pourraient être mobilisés (visant à mettre l’accent sur les relations d’interdépendance se tissant entre les acteurs humains et non-humains avec une dimension politique) (Tsing, Bresnihan P). Ces communs multispécifiques restent « à venir », à créer, à révéler et la porte d’entrée de la santé et des zoonoses nous semble puissante en nous rappelant à quel point nous sommes un continuum épidémiologique, une même communauté biotique (Léopold A, Bresnihan P).
Tout l’enjeu est de rendre visible cette continuité écologique et de donner une valeur à ces communs que sont la santé des écosystèmes, non pas leur donner une valeur économique mais « montrer leur utilité, leur fragilité et notre dépendance à leur égard » (Bresnihan P). Cette perspective des communs appelle une approche symétrique entre humains et non humains, des « négociations collectives des limites et des capacités » de mondes poreux et partagés dans lesquels sont également engagés des acteurs non-humains (Bresnihan P).
Cette approche nous invite à des formes de diplomaties (Morizot B.), permettant de s’éloigner des notions de ressources et de services écosystémiques, de sortir de l’utilitarisme et de l’assymétrie véhiculés même au sein des approches One Health. De façon intéressante, selon Anna Tsing au sein des communs latents, « les humains ne détiennent jamais pleinement le contrôle » (Bresnihan P). Les communs sont ainsi envisagés comme des « lieux expérientiels et d’expérimentation de nouveaux contrats sociaux » et naturels (Fenoglio & Fleury).
Le concept de communs pourrait permettre d’activer le passage à l’action à l’échelle du territoire depuis des communautés impliquées, « des communautés réhabitantes, qui s'assemblent depuis un regard écologique et politique particulier et partagé » (Chopot A, 2023). Le mot réhabitant est ici utilisé au sens du biorégionalisme, évoquant les habitant-e-s humains et non humains et ne se limitant pas aux gens nés sur le territoire (Rollot M), et aussi au sens de remédier, de soigner : « Réhabiter signifie apprendre à vivre in situ au sein d’une aire qui a précédemment été perturbée et endommagée par l’exploitation. » (Sinaï A) avec pour but de transformer les environnements pathogènes subis en territoires de santé partagée, à travers la remédiation des écologies complexes et la revitalisation de communs latents.
Conclusion
Cette proposition, dialogue entre explorations scientifiques de terrain et réflexions épistémiques, vise à reterritorialiser les enjeux de santé pour penser l’habitabilité terrestre en termes de santé multispécifique, « rappelant que l’unité de notre survie n’est pas l’individu, mais l’unité constituée par l’individu et le milieu » (Bird Rose D). Ces réflexions s’inscrivent en effet dans une nécessaire visée de reterritorialisation des émergences infectieuses et de construction d’un paradigme de recherche et d’intervention redonnant à la santé ses enjeux topologiques, et ravivant une responsabilité environnementale globale.
Reterritorialiser les maladies infectieuses émergentes en les reconnectant à leurs conditions d’émergences, permet d’identifier les causes structurelles, d’introduire les préoccupations de santé dans la gestion et la préservation des écosystèmes depuis les communautés réhabitantes et d’envisager défaire les systèmes pathogènes pour reconstruire des territoires de santé partagée (Besombes C 2021) et ainsi redonner prise sur les trajectoires de nos environnements et de nos sociétés.
Si le médecin, garant de la santé, a un rôle de déchiffreur de symptômes cliniques des corps comme signaux d’alerte à interpréter pour dépister précocement une maladie, nous proposons ici est un rôle de médecin de territoire visant à dépister dans les paysages et les communautés biotiques et leurs évolutions, les signaux d’alerte (Keck F) précurseurs d’émergences infectieuses au sein des différents compartiments du vivant, sous la forme d’une mésographie, d’une mésologie.
La mésologie est décrite comme la science qui relie les êtres aux milieux physiques et sociaux dans lesquels ils sont plongés et ayant comme objet leurs mutations réciproques (Taylan F). De façon intéressante, la mésologie a elle aussi été invisibilisée dans les années 1880’s en faveur de l’écologie qui s’est imposée comme science : l’harmonie du déploiement de la vie au sein des milieux promue par la mésologie a laissé place à la concurrence et la lutte pour la survie proposée par Darwin (Taylan F). La mésologie est une discipline née en lien avec la médecine et les approches hygièniques, reflétant l’intérêt initial des médecins envers les circumfusa (choses environnantes : climat et milieu) (Taylan F).
Notre proposition pourrait ainsi relever de la mésologie qui apparaîtrait ainsi comme une médecine avec une action à distance des corps humains, comme une médecine et un soin à partir des milieux, des paysages.
Reconnaissant les apports que pourrait nous apporter la reprise de la mésologie, il s’agit cependant de la revisiter à l’aune des défis actuels, nécessitant de sortir des idéaux de gestion et de contrôle du vivant et des milieux, et de la suprématie de l’humain sur les autres espèces, initialement portés par cette discipline (Taylan F, Augendre M). En effet, la rationalité mésopolitique revendiquait l’imperium de l’humain sur les êtres qui l’entourent comme condition de possibilité de notre autonomie, là où nous faisons désormais l’expérience aujourd’hui que notre autonomie réside précisément dans la préservation de ces différents milieux et de nos relations et interdépendances avec les autres êtres vivants.
Notre proposition vise ainsi à déplacer le rempart contre les maladies à l’extérieur des individus, sur les conditions écologiques et sociales caractérisant les milieux de vie, à refaire de la lutte contre les maladies, non pas seulement une lutte individuelle, mais une lutte collective impliquant la communauté biotique toute entière pour des conditions écologiques et sociales favorables à la vie.
* Le spillover désigne le passage de l’agent infectieux entre les espèces
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