Tout en soulignant l’actualité de l’existentialisme qui implique d’accepter la facticité de notre condition et éclaire le lien entre contingence et liberté, indétermination du sens et responsabilité, Corine Pelluchon montre que l’écologie exige de l’enrichir. Mais l’existentialisme écologique ne se réduit pas au coexistentialisme attestant notre appartenance à une communauté incluant tous les vivants. Il suppose de rompre avec l’imaginaire terrestre et de penser l’humain en partant de la mer, dont il vit, mais qui lui demeure étrangère. Reposant sur une ontologie liquide, cet existentialisme se nourrit de l’œuvre d’Albert Camus, d’Arthur Rimbaud, de Marguerite Duras, de Saint-John Perse et de Virginia Woolf. Il renouvelle la compréhension de la condition humaine en mettant en évidence la fluidité du moi et en concevant notre immersion dans le monde commun qui renvoie à la mémoire et à l’immémorial, à la mère-mer conçue dans sa présence sur les terres.
Pensant le projet comme flottaison, l’auteure insiste aussi sur les risques attachés à l’expérience que nous faisons de la submersion, qu’il s’agisse du désir, de l’invasion de l’inconscient, du fanatisme ou de la folie. Approfondissant le lien, établi par Kierkegaard et Heidegger, entre la confrontation avec sa propre mortalité et l’authenticité, elle montre le coût social, écologique et politique du déni de la mort en analysant les stratégies de défense que nous utilisons pour nous défendre contre la terreur que notre fin nous inspire. Enfin, cette philosophie de la vie marine et des fonds marins, dont on peut appréhender la richesse en allant à la rencontre des poissons et des mammifères marins et en étant attentifs à leur présence sonore, rompt avec l’obsession territoriale qui explique les contradictions du droit international de la mer, déchiré entre l’impératif de préservation d’un écosystème indispensable à notre survie et les rivalités économiques et militaires conduisant à sa surexploitation.
Présentation de L’être et la mer. Pour un existentialisme écologique, PUF, 11 septembre 2024, 333 p.
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