« Instaurer une démocratie de participation, c’est retenir une technique économe en matière d’énergie. Entre des hommes libres, des rapports sociaux productifs vont à l’allure d’une bicyclette, et pas plus vite ».
Ivan Illich, Equité et énergie, 1973.
Les capacités de production énergétique des pays industrialisés vont décroître à mesure que l’offre pétrolière va se contracter. En France, les centrales nucléaires de la première génération vont devoir progressivement être fermées. Même si certaines, comme Fessenheim, ont reçu l’aval de l’Autorité de sûreté nucléaire pour une prolongation de dix ans, toutes devront être tôt ou tard démantelées dans les prochaines décennies. Le bilan énergétique de la filière nucléaire, rapporté à l’ensemble de son cycle, de l’extraction de l’uranium au démantèlement des centrales, pose la question de sa soutenabilité économique, de sa pertinence en termes de rendement énergétique, sans parler des risques associés et du legs de déchets hautement radioactifs aux générations futures. Selon cette vue d’ensemble de la filière, le nucléaire finira par se révéler comme un gouffre énergétique et économique, plutôt que comme une source.
Ce qui intéresse l’Institut Momentum, c’est de rompre avec ce mode de pensée binaire qui consiste à croire qu’une énergie va pouvoir être remplacée par une autre. Aucune énergie ne pourra se substituer au pétrole. Nul Graal de troisième ou quatrième génération ne reproduira l’exubérance pétrolière. Il s’agit de prendre conscience du fait que courir après le mirage d’une énergie perpétuelle, mirage dans lequel l’industrie nucléaire nous a entretenus au cours d’une parenthèse de l’histoire qui est en train de se refermer, reviendra à continuer à entretenir la société dans une consommation massive d’énergie. Le corps social sera maintenu dépendant de l’énergie, comme le toxicomane l’est de la drogue. Tant que la consommation d’énergie sera en hausse, il n’aura aucune chance de recouvrer son autonomie.
L’Institut Momentum s’attache à imaginer les réseaux de demain, conçus comme un bien commun visible, mobilisant les collectivités humaines qui seront actrices responsables et non pas seulement usagères de flux invisibles et d’interrupteurs.
L’Institut Momentum reprend le chemin indiqué par Ivan Illich, sur la nécessité de conduire une recherche politique de la consommation d’énergie socialement optimale. La vision a été confirmée : quarante ans après le texte phare d’Illich, Energie et équité, on voit bien que la paralysie de la société de croissance n’est pas seulement une crise de l’énergie, mais un processus de dégradation sociale. C’est la surconsommation énergétique des quarante dernières années qui a instauré l’impasse du modèle actuel. Mais contrairement aux quarante dernières années, la pénurie présente et future exclut d’augmenter l’input énergétique. Aujourd’hui, il ne nous reste qu’une issue à la faveur de la clôture de l’ère hyperindustrielle qui s’achève : déterminer le seuil au-delà duquel l’énergie corrompt, et mobiliser toute la société dans un processus politique afin de parvenir à définir ce seuil d’autolimitation.