Les valeurs et la culture qui ont accompagné ces dernières décennies d'essor de l'Anthropocène sont intrinsèquement liées à la consommation inédite d'énergie qui caractérise notre époque. Ainsi l'individualisme peut-il être vu non pas comme cause mais comme conséquence du bien-être matériel. Ces valeurs, qui concourent à la destruction du monde, sont caractéristiques de l'expansion énergétique, mais doivent impérativement être revisitées.
Science appliquée qui vise à améliorer sur le long terme le bien être des humains, la permaculture est une approche qui englobe le matériel et l'inclut dans une vision holistique et systémique. Holistique au sens où ce sont toutes les dimensions de l'être, en symbiose avec ce que la Terre peut offrir, qui sont envisagées dans un esprit qui s'affranchit du dualisme qui sépare corps et esprit, humanité et nature. Systémique car le vivant, l'économie et l'énergie sont pensés conjointement, dans une dynamique qui n'exclut pas des instabilités voire des changements radicaux et catastrophiques. A la différence des représentations répétitives, linéaires et continuistes propres à l'économie de croissance qui se projette dans une boucle fermée de production-consommation, l'économie permaculturelle prend acte de l'impermanence des éléments et des ressources au sein du système industriel. Dans la vision permaculturelle, le soin est central, et remplace ce que la « gestion » de l'environnement est aux politiques classiques de l'écologie. Prendre soin du vivant, des sols : à travers une fraction de paysage, un jardin, il s'agit, métonymiquement, de prendre soin de toute la planète.
Texte d'Agnès Sinaï à paraître dans le prochain ouvrage collectif de l'Institut Momentum, Politiques de l'Anthropocène III, Presses de Sciences Po, 2016.