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L'Agence internationale de l'énergie annonce des turbulences

19 décembre 2011
 

Réunie au siège de l’OCDE à Paris les 18 et 19 octobre 2011, la conférence ministérielle de l’Agence internationale de l’énergie s’est inquiétée des pannes de fourniture pétrolière, sur fond de hausse constante de la demande mondiale.

Créée dans le contexte du choc pétrolier de 1973, l’AIE rassemble les pays industrialisés de l’OCDE, et a pour mission d’analyser l’évolution des ressources énergétiques, vitales pour la croissance mondiale. Aujourd’hui, l’AIE annonce que la demande énergétique globale va augmenter de 47% d’ici à 2035. Quant à la demande pétrolière, l’Agence prévoit qu’elle va passer de 84 millions de barils par jour en 2009 à 107 en 2035. Même si le prix du brut a baissé depuis avril 2011 dans le contexte de la récession actuelle et d’un regain de l’offre pétrolière en provenance des pays de l’OPEP, la tendance reste à une hausse structurelle des prix. Selon David Fyfe, chef de la division de l’industrie et des marchés pétroliers à l’AIE, il est vraisemblable que les prix du baril de brut conventionnel ne redescendront pas sous la barre des 105 $ d’ici à 2016.

 

La crise économique est elle-même liée au prix des énergies fossiles. Même si l’AIE exclut le risque d’une récession à deux chiffres, elle confirme, dans une note sur les marchés pétroliers diffusée par M. Fyfe, la corrélation entre le poids de la facture pétrolière et le ralentissement économique consécutif à chaque choc pétrolier. Le poids de la facture pétrolière est aujourd’hui le même que lors de la crise de 2008, ce qui n’augure pas d’une reprise immédiate.

 

La réalité du pic pétrolier et de l’érosion des puits matures est également reconnue par l’AIE, qui souligne que, chaque année, entre 2,5 et 3 millions de barils par jour viennent à manquer en raison du déclin des champs pétroliers arrivés à maturité. A court terme, deux phénomènes se télescopent : la hausse de la demande pétrolière des pays émergents qui représenteront 90% de la demande additionnelle d’ici à 2035, et la contraction de l’offre pour des raisons géologiques (pic pétrolier), géopolitiques (insurrection libyenne) et écologiques (accident de la plate-forme Deep Water Horizon).

 

Du coup, les investisseurs hésitent à lancer les colossaux financements qu’exigent de nouvelles prospectives pétrolières. L’AIE prédit que quelque 38 000 milliards de dollars d’investissements seront nécessaires pour couvrir les besoins énergétiques du monde d’ici à 2035, rapporte Martin Ferguson, président de la conférence. Ce point est interprété comme un signal d’alarme par Fatih Birol, chef économiste de l’AIE : en cas de scénario bas d’investissement, et dans la perspective d’une hypothétique reprise de l’économie, les principaux fournisseurs mondiaux ne pourront pas répondre sur la durée à une hausse de la demande estimée à 1 million de baril additionnels par jour dès l’année prochaine.

 

L’AIE établit des critères de résilience du système, en insistant sur plusieurs indicateurs de sécurité énergétique, combinant diversité des sources d’approvisionnement, réduction de la dépendance et de la facture pétrolière développement des énergies locales, dont la géothermie et l’hydroélectricité, et maintien de stocks pétroliers industriels. Ceux des pays de l’OCDE sont en chute depuis août 2010, à leur plus bas niveau depuis 2008, sur fond de marché en contraction constante. L’interruption de fourniture par la Libye d’un des meilleurs produits pétroliers, le light sweet crude, est estimée par l’AIE à une panne de 328 millions de barils. Les pronostics quant à la reprise de production en Libye restent prudents.

 

Agnès Sinaï

 

Article paru dans actu-environnement le 19 novembre 2011