L'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit que la demande énergétique globale va augmenter de 47% d’ici à 2035. Les taux de croissance des émissions sont très rapides. Le rebond de 5% de la demande mondiale d'énergie primaire en 2010 a porté les émissions de CO2 à un nouveau pic. Selon le scénario prospectif de l'AIE, les émissions cumulées des 25 prochaines années équivaudront aux deux tiers des émissions dégagées depuis 110 ans... soit un réchauffement global annoncé de 3,5°C minimum.
Changer d'agenda
Réconcilier les objectifs de réduction des émissions et les seuils de précaution scientifiques pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C impliquerait que les pays industrialisés amorcent des réductions de 25% à 40% d'ici à 2020. Ces objectifs drastiques pour une hypothétique deuxième période de Kyoto ne pourraient être atteints que par une forte décrue des consommations d'énergie : il s'agirait d'un changement très rapide de modèle de société supposant la remise en question du modèle de croissance actuel.
Mais le débat sur un nouveau modèle post-carbone, voire post-croissantiste, est absent. Focalisées sur l'analyse des mécanismes de Kyoto, les grandes ONG environnementales elles-mêmes n'envisagent pas de réorientation de l'agenda. Devenues expertes, au fil des années, de la comptabilisation de l'air chaud et des échappatoires liés à l'inclusion des forêts dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre, elles ne sont pas parvenues à faire émerger des propositions autres qu'une correction à la marge des aberrations originelles du système Kyoto.
Une énergie politique à réorienter
En 2009, Copenhague fut une démonstration de l’incapacité des pays du monde à trouver un accord, malgré le consensus scientifique et la mobilisation des ONG et des citoyens. Durban aura confirmé que les peuples ne doivent plus attendre le consensus mondial, et qu’ils doivent se préparer, pour anticiper les bouleversements climatiques, énergétiques et économiques auxquels ils vont être confrontés.
Toute l’énergie dépensée par nos gouvernants pour soutenir une croissance économique en état de mort clinique, est autant d’énergie qui ne sera pas affectée à la préparation de notre avenir, d’une nouvelle ère post-fossile au climat perturbé et à l’économie terrassée.
En l’absence de décisions mondiales permettant d’inverser réellement les tendances, citoyens et élus locaux peuvent se sentir impuissants. Pourtant, il reste l’échelle locale pour mettre en œuvre des politiques à la mesure des perturbations que nous allons vivre. Il reste la possibilité, pour les citoyens et élus des territoires d’améliorer la résilience locale, la capacité à subir un choc ou un changement perturbant et à s’y adapter, tout en conservant ses fonctions principales et son identité.
Peut-être qu’alors, faisant le constat que les citoyens apprennent localement à se passer du pétrole, de la croissance du PIB et de la surconsommation matérielle, les dirigeants assumeront la volonté de leur peuples et accepteront de changer d’ère.
Par Agnès Sinaï et Benoît Thévard